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La réforme de la retraite supplémentaire d’entreprise : un casse-tête en perspective

 

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Désigné ainsi après un régime fiscal spécifiquement organisé par l’article 39 du Code général des impôts, le contrat « article 39 » est un contrat collectif d’assurance-vie et de retraite supplémentaire obligatoire conclu dans l’entreprise entre l’employeur et tout ou partie de ses salariés (article L.137-11 du Code de la sécurité sociale). Mis en œuvre par les actes de droit social, le caractère collectif résulte surtout de la nature des versements puisque ceux-ci sont intégralement à la charge de l’entreprise. C’est la condition sine qua non pour bénéficier des avantages fiscaux et sociaux.

 

À cet effet, les sommes sont versées sur un fonds collectif propriété de l’entreprise. Étant non individualisables et s’agissant d’un contrat à prestations définies, les droits accordés au salarié ne sont que virtuels, aléatoires et conditionnels. De là découlent un ensemble d’effets :

  1. 1 – Absence de compte individuel
  2. 2 – Absence de cas de déblocage anticipé
  3. 3 – Le contrat ne présente pas de valeurs de rachat
  4. 4 – Les droits ne sont pas acquis
  5. 5 – Le salarié doit être présent dans les effectifs de l’entreprise le jour de la liquidation de ses droits aux régimes obligatoires
  6. 6 – Les prestations futures peuvent être redéfinies tant que le salarié n’a pas liquidé ses droits
  7. 7 – Aucun transfert possible
  8.  
 
La réforme du contrat article 39 du CGI

Le 16 avril 2014, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté une directive dite 2014/50/UE relative aux dispositifs de retraite supplémentaire.

Actuellement, et ce dans le cadre des règlements européens de coordination en matière de sécurité sociale, les travailleurs transfrontaliers bénéficient de droits liés à leurs régimes de base. Cependant, ces droits n’englobent pas les produits d’épargne facultatifs. Ceux-ci ne sont pas protégés lorsque les bénéficiaires changent de pays.

L’idée de cette directive est donc d’améliorer, dans la mesure du possible, la transférabilité des droits à pension acquis et la mobilité des travailleurs entre les Etats membres. De ce fait, les droits des salariés qui quittent un régime de pension supplémentaire devraient être préservés dans le dispositif où ils ont été acquis. Le texte prévoit également une clause de non-régression, afin que le montant de droits soit pérennisé quelle que soit la législation en place dans les différents pays membres.

 
Des modalités inapplicables ?

Si justifié soit l’objectif de cette directive, il ressort que son applicabilité en droit interne soulève de nombreuses questions restées à ce jour sans réponse.

  1. 1 – Les salariés transfrontaliers et nationaux

La directive de 2014 ne vise que les contrats souscrits dans un cadre professionnel.

En conséquence, elle ne s’applique qu’aux régimes de retraite dont l’affiliation dépend d’une situation de travail et qu’aux seuls affiliés qui partent exercer un emploi dans un autre État membre. Elle ne régit pas les situations internes et le pays d’origine n’est pas concerné.

Il semble donc difficile de faire appliquer une telle règle sans courir le risque de se voir sanctionner au motif d’une rupture d’égalité des citoyens devant la loi.

  1. 2 – La perte des recettes fiscales

La transférabilité des droits acquis dans ce type de régime désigne la possibilité donnée à une personne adhérente à un contrat de retraite de transférer individuellement les droits qu’elle y détient vers un autre contrat de retraite, géré par un autre organisme assureur, y compris par un organisme assureur opérant dans son pays d’origine.

Sur ce dernier point, l’obstacle est de taille. On peut aisément imaginer la résistance de l’État d’origine face à la perte potentielle de recettes fiscales.

 
Des pistes de réflexion

Pour accompagner cette mutation, des idées ont été avancées.

  1. 1 – L’insertion d’une période carence

Similaire à la technique de réduction applicable en matière de contrat d’assurance vie (article L.132-20 du Code des assurances), l’existence d’une période de carence (ou de stage) aura pour effet :

– soit de faire disparaître totalement les « droits » de l’adhérent-assuré si celui-ci n’a pas bénéficié d’un certain nombre d’années de versement de primes de l’employeur

– soit de diminuer les engagements de l’assureur lorsque l’adhérent-assuré cesse de bénéficier des primes attribuées par l’employeur après un certain nombre d’années

  1. 2 – Les droits dormants

Les droits acquis doivent pouvoir être préservés dans le régime dans lequel ils ont été constitués et y fructifier jusqu’à la survenance de l’événement conditionnel.

Reste à résoudre la question liée aux années non bénéficiaires (suite au départ du salarié de l’entreprise). Cet état de fait produit effectivement l’effet de dénaturer le régime d’un contrat à prestations définies.

Afin d’accompagner cette possibilité, il serait envisageable de mettre des coefficients de dégressivité selon le nombre d’années concernées et facilement identifiées.

Si cette combinaison de techniques est susceptible d’apporter des réponses, il n’en demeure pas moins qu’elle nécessite des modifications substantielles au régime du contrat « article 39 », comme par exemple les difficultés soulevées par l’absence de droits acquis.

Quoi qu’il en soit, les acteurs doivent aller très vite, compte tenu de la date butoir fixée au 21 mai 2018 par la directive 2014/50.

La réponse finale devrait être connue à l’occasion de la promulgation de la loi de financement de la Sécurité sociale 2018.

 

Tran Hoang Dieu, Responsable pédagogique