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Le projet de Réforme du droit de la Responsabilité Civile

 

Publié le avril 12

Après la réforme du droit des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le Garde des Sceaux a présenté, le 13 mars 2017, un projet de réforme qui a pour objectif de codifier et de moderniser le droit de la Responsabilité Civile.

La commission des lois du Sénat a créé un espace participatif dans lequel elle propose à l’ensemble des praticiens du droit d’apporter leur contribution sur ce projet de réforme.

Le projet de réforme de la Responsabilité Civile est consultable en ligne sur le site du sénat.

A sa lecture, il convient de noter tout d’abord que le plan adopté, dans ce projet de loi, s’articule autour de 6 chapitres : dispositions préliminaires, conditions de la responsabilité, causes d’exonération ou d’exclusion de la responsabilité, effets de la responsabilité, clauses portant sur la responsabilité et les principaux régimes spéciaux de responsabilité.

Sur le fond, plusieurs points importants sont à relever :

Tout d’abord, ce projet prévoit d’accorder au juge la possibilité de prescrire, en matière extracontractuelle, des mesures préventives afin d’éviter la survenance d’un dommage ou de faire cesser un trouble illicite auquel pourrait être exposé le demandeur.

Ensuite, toujours dans le domaine extracontractuel, apparait la notion d’amende civile à laquelle pourrait être condamné l’auteur du dommage qui aurait délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie.

L’amende serait fixée en fonction de la gravité de la faute avec un maximum équivalent à 10 fois le gain ou l’économie réalisé et pour une personne morale à 5% du CA le plus élevé réalisé en France au cours des années précédant l’année au cours de laquelle la faute à l’origine du dommage aurait été commise.

La réparation en nature est également prévue dans ce projet mais il est précisé qu’elle ne peut être imposée à la victime d’un dommage.

Cependant, l’un des apports les plus importants de ce projet de loi concerne l’amélioration de l’indemnisation des victimes de dommages corporels.

En effet, ce projet prévoit que les préjudices résultant d’un dommage corporel soient réparés sur le fondement des règles de responsabilité extracontractuelle même lorsqu’ils seront causés à l‘occasion de l’exécution d’un contrat.

Dans les causes d’exonération de responsabilité, on retrouve la force majeure et le fait d’un tiers mais par contre en matière de faute de la victime, troisième cas possible d’exonération, seule la faute lourde, en cas de dommage corporel, pourra entrainer une exonération partielle.

Il appartiendra donc à l’auteur présumé d’un dommage corporel de prouver que la victime a commis une faute lourde pour limiter son droit à indemnisation.

De plus, dans ce projet on voit que seule une exonération partielle est envisagée, ceci laisse donc supposer que l’auteur du dommage devrait, dans tous les cas, intervenir.

La faute lourde ne permettrait ainsi qu’une réduction du droit à indemnisation de la victime et non pas une exclusion totale de toute indemnisation.

Dans le domaine des accidents de la circulation routière, nous rappelons, à toutes fins utiles, qu’actuellement la faute simple du conducteur victime d’un dommage suffit à limiter voire exclure toute indemnisation de son préjudice.

La notion de faute simple disparaitrait et il faudrait, suite à cette réforme, prouver soit la faute intentionnelle, soit la faute inexcusable du conducteur victime pour ne pas indemniser ce dernier sans toutefois qu’il soit exigé que cette faute soit la cause exclusive de l’accident (comme c’est le cas pour les victimes non conductrices d’un VTM).

Il faut préciser que la Loi du 5 juillet 1985 sera intégrée complètement dans le Code civil, dans le chapitre spécifique aux régimes spéciaux de Responsabilité Civile alors que jusqu’à présent, elle était simplement insérée à la suite de l’article 1384 alinéa 4 devenu 1242 alinéa 4 du Code civil.

Notons qu’il n’est pas prévu de définition précise de la faute lourde ou de la faute inexcusable et que, même si ces notions existent déjà, elles devront évidement faire l’objet d’une interprétation (la faute inexcusable d’un conducteur victime ne sera sans doute pas la même que celle d’un piéton ou d’un passager victime) et qu’il y aura donc certainement, dans les années à venir, des contentieux sur ce sujet.

Evidemment, ce projet de loi sera sans doute encore modifié avant d’être adopté par le Parlement, promulgué par le Président de la République puis publié au Journal Officiel avant l’entrée en vigueur.

Pour les assureurs, cela amènera obligatoirement à des changements importants en matière de gestion des sinistres et également à une augmentation de leur coût.

Les tarifs en Responsabilité Civile automobile mais aussi hors automobile (MRH, MRP, …) vont certainement augmenter puisque davantage de victimes seront indemnisées.

Cette évolution semble normale dans une société où l’on souhaite protéger au mieux les individus mais entrainera obligatoirement des effets indésirables tels qu’une augmentation de la non assurance …

 

Nathalie ROSE, Responsable pédagogique