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Un piéton ivre est-il responsable de son accident ?

 

Publié le août 31

 

Le 23 juillet dernier, sur une route de l’Isère un conducteur ivre fauche mortellement deux passants. On lit malheureusement régulièrement dans la presse le compte rendu de ce type de drames…

Même en cas de responsabilité d’un accident sous l’emprise de l’alcool, l’assureur ne peut pas refuser d’indemniser les victimes ou les ayants droit. C’est dans cet esprit qu’a été élaborée la Loi Badinter : il serait injuste qu’elles ne soient pas indemnisées sous prétexte que le conducteur a commis une faute aggravée par absorption d’alcool.

Mais que se passe-t-il quand l’inverse se produit : le conducteur est sobre mais le piéton totalement ivre ?

Selon l’article 3 de la Loi Badinter, les victimes hormis les conducteurs des Véhicules Terrestres à Moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. Parce qu’elle a pour conséquence de priver la victime de tout droit à réparation, la faute inexcusable n’est admise qu’à titre exceptionnel. La cour de cassation l’a ainsi définie : est inexcusable la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience. Or le problème est bien là en matière d’ivresse : comment peut- on être ivre et avoir conscience de son acte ?

Il ressort de l’étude de la jurisprudence que les magistrats sont très partagés sur l’exonération d’une victime piéton quand elle est en état d’ivresse. On peut citer deux exemples contradictoires :

Dans un Arrêt du 24 Mars 2016, la Cour suprême retient la faute inexcusable cause exclusive de l’accident. Les faits sont les suivants : un jeune homme de 17 ans décide de s’allonger sur la chaussée à la suite d’une dispute avec sa petite amie après s’être alcoolisé pour l’impressionner. Il est heurté par un véhicule arrivant au même moment et blessé. En effet, la cour d’appel qui avait jugé cette affaire avait noté que la conductrice avait eu une conduite particulièrement prudente et roulait à 20 kms/heure dans une zone de travaux. Ainsi cette conduite ne peut qu’avoir participé à l’accident dont la cause exclusive se trouve bien dans la présence parfaitement anormale d’un jeune homme allongé volontairement au milieu de la chaussée.

Par contre dans un Arrêt du 21 Septembre 2010, la Cour de Cassation censure un arrêt de la cour d’appel qui avait estimé qu’une victime qui a volontairement abusé de boissons alcoolisées et qui de ce fait s’effondre plusieurs fois de suite sur la chaussée a concouru à son propre dommage (elle a été tuée par un camion circulant sur la même voie) à hauteur de 50% tout en n’ ayant pas commis de faute inexcusable du fait de son inconscience à ce moment là.

Pour conclure, les juges sont bien d’accord sur le fait que l’état d’ivresse exclut de ce fait toute qualification d’une faute inexcusable car la conscience du danger est alors altérée sans nul doute. Mais ils refusent toute indemnisation quand le comportement de la victime devient par trop téméraire.

 

Nathalie JAUSSAUD-OBITZ, Responsable pédagogique