Lorsque les lecteurs se penchent sur l’histoire ou les travaux portant sur les sources du droit des assurances, ils se retrouvent inévitablement confrontés à la Loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance.
Si une consultation sur le site Légifrance laisse entrevoir la possibilité de la consulter, celle-ci se révèle rapidement infructueuse. Il faut alors se référer à Gallica, qui n’est autre que le service dématérialisé de la Bibliothèque nationale de France.
D’accord, mais quel est l’intérêt de se pencher sur ces procédures ?
Sur Légifrance, comme d’ailleurs dans certaines publications, on retrouve cette loi sous la dénomination de loi Godart. Et c’est là que le sens de la curiosité s’éveille. Pour preuve, questionnez les praticiens de l’assurance. Ils ne sont pas nombreux à pouvoir identifier cette référence, à l’inverse de La loi Madelin ou la Loi Badinter.
Découvrons sans plus tarder le personnage éponyme et son influence sur ce texte.
Justin Godart (1871 – 1956) a été député et sénateur du Rhône et ministre sous la IIIème République. Et c’est sous le mandat de sénateur qu’il a été associé à la rédaction de cette loi. Plus précisément, c’est à la lumière de son rapport, rendu au nom de la Commission de l’hygiène, de l’assistance, de l’assurance et de la prévoyance sociale, le 15 novembre 1927 (annexe N°571), que l’on entrevoit mieux le contexte de l’époque, les attendus de cette législation et sa vision de l’assurance.
Effectivement, au virage du XXème, alors que la plupart des pays européens avait déjà instauré une loi sur le contrat d’assurance (1874 pour la Belgique, 1908 pour l’Allemagne et la Suisse, 1919 pour l’Autriche), soit par une insertion dans leur Code du commerce (Espagne, Italie), soit par la mise en œuvre d’un code spécial (Suède), la France était encore à la recherche de son socle réglementaire. De nombreuses tentatives avaient été initiées. Mais les divers projets de loi déposés en 1904, 1906, 1911, 1914, 1920 avaient échoué, principalement par la faute de l’instabilité gouvernementale de la IIIème République.
Au final, il a fallu attendre la formation d’une commission, instituée par un arrêté du 5 juillet 1924, pour qu’un groupe de travail, présidé par Henri Capitant, Professeur à la faculté de droit de Paris, se réapproprie le sujet. Et c’est sur ces travaux que Justin Godart va présenter, pour la première fois, un projet de loi, le 7 avril 1925, texte qu’il mènera jusqu’à son terme et qui sera adopté, sans modification, le 8 juillet 1930.
Le changement de méthode est radical. Il tranche avec les précédents procédés qui voyaient « la matière d’assurance » comme étant « l’œuvre unilatérale des assureurs par le contrat qu’ils ont élaboré » et principalement constituée par « des principes généraux parfois différents » d’une branche à une autre. En réaction, le projet de loi se démarque par un effort d’unification et de « codification de textes épars et d’une jurisprudence éprouvée et solidement établie ».
Articulée autour de 86 articles, cette loi va structurer de manière durable le droit du contrat d’assurance, y compris jusqu’à ce jour. Et lorsque l’on fait une lecture comparative, 88 ans après sa promulgation, on peut s’apercevoir que l’article L.132-16 du Code des assurances a conservé la même rédaction que l’article 71 de la loi du 13 juillet 1930. Preuve que le texte initial a été structurant pour le développement ultérieur du droit du contrat d’assurance et que l’influence de Justin Godart a été décisive.
Hoang Dieu TRAN, Responsable pédagogique