Les entreprises françaises travaillent de plus en plus à l’international et dans ce contexte, les expatriations sont, bien évidemment, plus nombreuses. On répertorie 1,6 millions de français expatriés car inscrits dans les registres diplomatiques mais il y en a certainement plus. A côté de ces expatriés, il y a environ 50 000 salariés français en mission à l’étranger chaque année, selon le ministère des Affaires étrangères.
Un salarié français envoyé à l’étranger dans le cadre de son contrat de travail, bénéficie toujours de la protection accordée par le Code du travail. L’article L 4121-1 du Code du travail oblige en effet l'employeur à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Il s’agit, pour l’employeur, de mettre en place des actions de prévention des risques professionnels et d’information mais aussi d’organiser des moyens de protection adaptés aux risques rencontrés par les salariés du fait de leur activité professionnelle. Le champ d’application géographique de ce texte n’est pas précisé dans le Code du travail mais plusieurs jurisprudences sont venues combler ce vide.
Jurisprudences Karachi et Abidjan
Le 14 janvier 2004, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) de la Manche a retenu à l’encontre d’une entreprise française la faute inexcusable de l’employeur, insuffisamment prévoyant, à la suite du décès de onze salariés français tués dans un attentat sur le trajet du bus les emmenant sur leur chantier à Karachi.
La jurisprudence Karachi a modifié autant la nature que la teneur des obligations légales des entreprises en matière de sûreté. Tout manquement à ces obligations peut désormais engager la responsabilité civile et pénale de l’entreprise.
Toujours en 2004, une salariée expatriée du groupe Sanofi Pasteur est agressée à Abidjan en dehors de ses heures de travail. Bien que l’agression n’ait pas eu de lien direct avec le contrat de travail, la Cour de cassation a retenu que la plaignante se trouvait, du fait de son contrat, dans un lieu particulièrement exposé au risque, ce que le chef d’entreprise savait. Malgré cela, il n’avait pas pris de mesures suffisantes pour la protéger. La Cour de Cassation a donc retenu la responsabilité de cet employeur.
La jurisprudence Abidjan précise donc le rôle majeur de l’employeur dans la sécurité de ses collaborateurs expatriés sur leur lieu de travail mais aussi dans le cadre de leur vie privée.
La responsabilité de l’employeur, à l’égard de ses salariés expatriés, est donc particulièrement importante et c’est un risque qu’il doit savoir gérer surtout dans certains pays particulièrement dangereux comme l’Afghanistan, la Libye, le Brésil ou le Mali. L'employeur doit tenir compte des dangers provoqués par les crises géopolitiques : enlèvements, terrorisme, agressions, guerres…
Il est tenu d'informer les salariés qu'il envoie en mission à l'étranger sur les risques encourus et dans le cadre de la prévention des risques, leur donner des consignes de sécurité, des informations pratiques, des formations interculturelles en prenant en compte les mises en garde du Ministère des Affaires Étrangères.
L'Assurance Kidnapping et Rançon
Du côté des assurances, on a pu voir apparaître l’assurance kidnapping et rançon (K & R). Proposée par certains assureurs, elle permet aux sociétés de protéger leurs salariés et ainsi de se prémunir contre des risques susceptibles d'engager sa responsabilité juridique et d'avoir d'importantes conséquences financières.
L’assureur met à la disposition de l’assuré un prestataire qui le conseille sur les méthodes de réduction des risques. Ainsi, par exemple, en cas de déplacement dans une zone risquée le prestataire peut être amené à former les salariés aux pratiques et aux règles de sécurité. Il prendra également en charge tous les coûts engendrés par l'enlèvement d'un salarié : recours à des consultants chargés de négocier avec les ravisseurs, mise à disposition de moyens de transport comme un hélicoptère, un bateau pour rapatrier les kidnappés, soutien psychologique... mais aussi, et surtout, remboursement des rançons versées pour obtenir une libération.
Si les proches du salarié se font également enlever, ils bénéficieront également des garanties proposées par ce contrat.
Lorsque l’enlèvement a lieu, des consultants (anciens militaires ou ex-professionnels du renseignement à la retraite) se chargent de contacter les ravisseurs et d'entamer les négociations sur le montant de la rançon à verser : « A chaque région son tarif. Au Sahel, cela peut prendre plusieurs années et coûter plusieurs millions de dollars tandis qu'en Amérique du Sud la rançon peut être de 10 000 à 50 000 $ soit 8 580 à 42 900 € et se régler en quelques semaines. » (Boris Cassel 4-11-2017 Le parisien).
L’assureur peut également faire appel à un prestataire qui se chargera de la communication avec la famille de la victime, les pouvoirs publics et les médias.
Précisons que si, dans la plupart des cas, cette assurance est souscrite par l’employeur pour ses salariés, il est aussi possible de la souscrire à titre individuel. Une personnalité publique, le propriétaire d’un patrimoine de valeur etc..., peut bien évidemment avoir tout intérêt à souscrire ce type d’assurance pour son propre compte !
Nathalie Rose, responsable pédagogique