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Loi sapin 2 : Des changements structurels restrictifs (partie 1)

La Loi Sapin 2, adoptée définitivement par le Parlement le 8 novembre 2016, prévoit, sur le volet des contrats d’assurance-vie, de nouvelles dispositions.

 

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Afin de préserver l’intégrité du système financier français et de garantir la continuité du financement de l’économie [1], le texte accorde au Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) des leviers stratégiques d’une portée plus contraignante. Pour faire face aux menaces représentées par des dysfonctionnements majeurs, constitutifs de risques de nature systémique, le HCSF est dorénavant autorisé à prendre des mesures conservatoires de deux types.

I – Limiter les opérations sur les provisions mathématiques

Dans un contexte de taux « zéro », voire « négatif », le HCSF peut, sur proposition du Gouverneur de la Banque de France, « suspendre, retarder ou limiter temporairement pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat » [2].

FOCUS : Le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF)

Remplaçant le Conseil de régulation financière et du risque systémique (COFRERIS), instance créée en 2010 dont la mission portait sur la prévention des risques adossés au secteur bancaire et financier dans les organes de décision européens et internationaux, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), une autorité macroprudentielle, a été installé par la Loi N°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, prise en application de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

Ses missions, définies par l’ordonnance N°2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière et codifiées à l’article L631-2-1 du Code monétaire et financier, consiste à « exercer la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique ». 

Dans son organisation, le HCSF s’appuie sur l’expertise de cinq membres de droit et trois personnalités qualifiées.

Les membres de droit comprennent :

Le Ministre des finances, le Gouverneur de la Banque de France, le Vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR), le Président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le Président l’Autorité des normes comptables (ANC).

Quant aux trois personnalités qualifiées, principalement des économistes, elles sont désignées, pour une durée de cinq ans, par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le Ministre des finances.

A – Un marché caractérisé par des taux d’intérêt historiquement bas

En période d’activité économique atone, comme c’est le cas actuellement, les banques centrales (Banque centrale européenne – BCE ou Réserve fédérale des États Unis – FED), lorsqu’elles veulent relancer la croissance, recourent aux politiques monétaires conventionnelles. Elles peuvent alors actionner les leviers des taux directeurs.

De manière générale, les taux directeurs sont distinguables selon les effets recherchés.

Taux de rémunération des dépôts (ou de facilité)
Taux de refinancement minimum (ou taux principal) 
Taux d’escompte (taux du prêt marginal)

Il s’agit du taux de rémunération des dépôts, majoritairement des réserves obligatoires, que placent les banques et autres établissements financiers auprès des banques centrales.

Il s’agit du taux de rémunération des dépôts de liquidités ou des emprunts que peuvent effectuer les agents économiques (banques) sur des courtes durées (une semaine). C’est précisément ce taux qui va conditionner le taux d’intérêt que ces mêmes agents vont accorder à leurs clients (particuliers ou entreprises).

Analogue au taux de refinancement, il s’agit du taux de rémunération des prêts accordés à de très court terme (quelques jours) sur le marché monétaire.

Ainsi, les banques centrales, en agissant sur ces taux directeurs, et selon les effets de hausse ou de baisse, vont pouvoir intervenir sur l’évolution de l’économie réelle.

Un taux de dépôt négatif va inciter les banques à ne pas faire « dormir » leurs liquidités et à les prêter.

Une baisse du taux principal va favoriser l’accès au crédit et relancer l’investissement des entreprises ainsi que la consommation des ménages moins incités à épargner.

Depuis 2012, l’option de la politique de taux bas est résolument privilégiée.

 

Taux directeur [3] de la BCE (au 20 octobre 2016)

Taux de rémunération des dépôts (ou de facilité) Taux de refinancement minimum (ou taux principal) Taux d’escompte (taux du prêt marginal)
– 0,4% 0% 0,25%

Elle s’est effectivement concrétisée par l’émergence d’un marché aux crédits devenus très accessibles et attractifs.

Incidemment, cette stratégie s’inscrit aussi dans un contexte de très faible inflation dans la zone euro. Face à une situation de déflation (baisse conjuguée des prix, de la consommation et de la croissance), la BCE a également décidé de mettre en œuvre des moyens complémentaires, comme par exemple le lancement de prêts de LT réservés aux banques de la zone euro pour financer leurs activités économiques (TLTRO : Targered Longer-Term Refinancing Operations). Surtout, elle a fait usage de politiques monétaires non conventionnelles, au moyen du Quantitative Easing (QE) ou assouplissement quantitatif entre mars 2015 et septembre 2016.

Fort logiquement, ce programme de rachat massif de titres obligataires émis par les États produit un effet mécanique de baisse sur les rendements de leurs coupons, ce qui contribue doublement à la chute des taux d’intérêts des dettes souveraines.

Et c’est ici que le paradoxe surgit. Par la conjugaison de ces deux politiques (conventionnelles et non conventionnelles), l’effondrement des taux d’intérêt a fini par constituer un risque clairement identifié pour les assureurs vie français, instituant au passage une réelle menace sur la stabilité financière nationale.

FOCUS : Quantitative easing (QE)

En mettant en pratique cette technique non conventionnelle, la BCE s’efforce de racheter des dettes souveraines (7 000 mds d’euros en circulation) et des obligations à LT (7 à 10 ans) sur les marchés.
En échange, elle crée de la monnaie qu’elle injecte dans les circuits financiers, et ce à des fins d’augmenter les niveaux de liquidités, indispensables à sa politique de relance.

De là, et en conservant ces titres à son bilan, elle fait partager les risques financiers à l’ensemble des états membres de la zone euro.
Si cette politique monétaire expansionniste, pour le moins inédite,
poursuit le but principal qui est celui d’agir contre la déflation en incitant la hausse sur le taux d’inflation dans la zone euro (dans la limite de 2%),  elle n’a pas encore, à ce jour, atteint son objectif.

B – Des droits temporairement suspendus

DÉFINITION : LE HCSF - Une autorité macroprudentielle

Quel sens peut-on donner au terme « macroprudentielle » qui caractérise le HCSF et l’étendue de ses compétences ?
Pour rappel, une mesure de police administrative similaire est déjà prévue dans l’arsenal juridique. Il s’agit de l’article L.612-33 du Code monétaire et financier.
Ce dispositif donne le droit à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de soumettre une entreprise d’assurance à des mesures conservatoires dans le cas où « la solvabilité ou la liquidité d'une personne soumise au contrôle de l'Autorité ou lorsque les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires, sont compromis ou susceptibles de l'être (...).
Le fait de cantonner cette action à une entreprise d’assurance est qualifiée de « microprudentielle ».
Or dans le cadre de la loi Sapin 2, le champ d’intervention du HCST est beaucoup plus extensif. Les dispositions restrictives peuvent dorénavant s’étendre à plusieurs organismes d’assurance, voire même tout le secteur dans sa totalité. 

À la lumière des éléments structurels précités, le HCSF, pour faire face une défiance potentielle des épargnants, se voit octroyer, par le biais de l’article 21 bis de la loi Sapin 2, le droit d’interdire les opérations de reprise sur provisions mathématiques (rachat partiel ou total) sur les fonds en euros. Cette mesure préventive peut également prendre la forme d’un plafonnement des sommes demandées en cas de fortes fluctuations des taux obligataires [4]. De la même manière, elle peut aussi s’étendre à l’ajournement de l’acceptation des versements de nouvelles primes, ainsi que la limitation de la distribution d’un dividende aux actionnaires, d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.

Applicables uniquement en cas « de crise grave et avérée, menaçant la stabilité financière », et ce à plusieurs opérateurs ou à l’ensemble du secteur, ces restrictions sont extensibles sur une période de trois mois renouvelables mais plafonnée au maximum à six mois consécutifs.

À titre d’exemple, les pouvoirs publics évoquent le scénario d’une remontée brutale des taux d’intérêt. Par le mécanisme des forces d’inertie, induit par la présence prépondérante de produits de taux [5], les rendements des contrats d’assurance-vie en vigueur ne pourraient pas répercuter immédiatement les tendances haussières. Inévitablement, les épargnants seront tentés de quitter ce placement pour réorienter leur épargne sur d’autres placements plus réactifs et surtout plus rémunérateurs.

Ce sont précisément ces mouvements de migration que les mesures nouvellement promulguées s’efforcent de neutraliser.

À décharge, en plus d’être « anxiogènes [6] », ces dispositions sont perçues comme étant des éléments qui conduisent à réduire la liquidité d’un placement, un argument qui en avait fait sa force.

 

Djamila Malki, Professeur d’économie

Tran Hoang Dieu, Responsable pédagogique

 

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[1] Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), site internet : http://www.economie.gouv.fr/hcsf.

[2] Danièle Guinot, Assurance-vie : ce qui devrait changer, Le Figaro, 28 septembre 2016.

[3] Les taux directeurs, site internet : https://www.banque-france.fr/economie-et-statistiques/changes-et-taux/les-taux-directeurs.html

[4] Ces sérieuses menaces qui planent sur votre contrat d'assurance vie, site internet : http://votreargent.lexpress.fr/assurance-vie/vers-la-mort-des-fonds-en-euros-de-l-assurance-vie_1804065.html

[5] À fin 2015, et selon le tableau de bord de l’assurance fourni par la Fédération française de l’assurance (FFA), la structure des placements des sociétés vie, de capitalisation et mixtes indique un ratio de 70,5% constitué d’obligations et d’OPCVM à revenu fixe.

[6] Assurance-vie : la loi Sapin 2 est adoptée, site internet : http://www.lerevenu.com/placements/assurance-vie/assurance-vie-la-loi-sapin-2-est-adoptee