Visuel

Quand la tortue rejoint le lièvre pour modifier le Code civil

 

Publié le avril 12

 

Par un texte adopté le 22 mars 2018 par l’Assemblée Nationale puis le 11 avril 2018 par le Sénat, le projet de loi a modifié finalement certains articles portant réforme du droit des contrats.

En effet, alors que cette ratification apparaissait de prime abord comme un simple exercice de forme, il n’en a rien été en fait. Le gouvernement a été vertement critiqué quant au choix de procéder à une telle réforme (modification de 350 textes du Code civil !) par le biais d’ordonnances. La raison invoquée était qu’il s’agissait de purs textes techniques.

Rappelons tout d’abord ce qu’est une ordonnance et son processus : le gouvernement peut demander au Parlement (Assemblée Nationale et Sénat) l’autorisation de prendre lui- même des mesures relevant normalement du domaine de la loi afin de mettre en œuvre son programme (Cf Loi travail).

Cette autorisation est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. L’ordonnance ensuite est prise en Conseil des Ministres, signée par le Président de la République et promulguée pour une entrée en vigueur immédiate.

Étape suivante : le gouvernement présente un projet de loi de ratification de l’ordonnance au Parlement. Le lièvre était en action. Mais le Parlement a opposé la morale de la Fable de La Fontaine : « rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Les deux chambres tour à tour ont commencé à examiner les textes à la loupe et plusieurs navettes ont été nécessaires pour redéfinir les contours de certains articles.

Nous prendrons l’exemple de l’article 1110 dont la nouvelle rédaction voit le jour en 2016. Il traite du contrat d’adhésion.

Son contenu est (ou plutôt était) le suivant : « le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales soustraites à la négociation sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». Cette définition est une grande nouveauté de l’ordonnance et elle illustre bien le document contractuel connu à la fois des assureurs et des assurés depuis longtemps ; à croire que c’était un assureur qui l’avait rédigée !

Cependant, le Parlement a décidé de retoquer ce texte. Une nouvelle définition a donc été validée : « le contrat d’adhésion est celui qui comporte des clauses non négociables unilatéralement déterminées à l’avance par une des parties ».

Selon les députés et sénateurs, cette définition est à la fois plus large et plus claire que la précédente…En tout une vingtaine de textes ont été modifiés, ce qui signifie que le Code Civil de fin 2016 n’est déjà plus valable…

Ce débat aura au moins démontré qu’il n’est pas très logique de mettre « la charrue avant les bœufs ». Dans l’affaire qui nous occupe, un texte est adopté en premier lieu puis ensuite discuté pendant 6 mois (octobre 2017/Avril 2018) ! La leçon permet au moins de ne pas utiliser ce procédé pour la future réforme de la Responsabilité Civile qui s’annonce. Car le savez- vous, le Code civil de 2018 aura une durée de vie très limitée puisque de grandes modifications dans ce domaine s’annoncent…Espérons que la tortue et le lièvre s’accorderont sur son contenu pour un certain temps !

 

Nathalie JAUSSAUD-OBITZ, Responsable pédagogique